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COMME OCÉAN

RETOUR À SAINT-MARTIN : CONTRECOUPS ET RÉSILIENCE

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Des carcasses de voitures un peu partout. Des devantures de commerces défigurées. Des bâtiments et des infrastructures en ruines. Une végétation durement affectée. Des voiliers échoués, coulés, en morceaux. Des mâts tombés comme des allumettes. Irma a laissé ses empreintes un peu partout à Saint-Martin.

Au super U, la principale épicerie de l’île, les échanges spontanés entre voisins, glanés par ci par là, traitent des maisons qui ont traversé l’épreuve et des autres détruites. Nos discussions avec les résidents portent sur comment ils ont vécu, voire survécu, à cet ouragan. Après Irma, plusieurs ont été privés d’eau courante et d’électricité pendant les deux premiers mois. Ils ont dû apprendre à vivre avec le minimum. Aujourd’hui, on semble avoir retrouvé le goût à la bombance. Le choix en matière de vins, de fromages, de pains, de charcuteries, de légumes, etc., donne envie de tout acheter. On a les yeux plus grands que la pense !

La vie reprend donc son cours. La collectivité s’active et les Saint-Martinois sont toujours souriants et accueillants. De nombreux camions, nacelles et autres véhicules lourds sillonnent les rues pour colmater et réparer les dégâts. En bord de mer de Marigot, je constate toutefois que ça ne bouge pas beaucoup. La plupart des bâtiments demeurent en état de « choc avancé ». Quelques photos en font foi. Il faut dire que la reconstruction balnéaire ne se fera probablement pas en mode copié-collé d’avant Irma.

Auparavant, Saint-Martin était un département d’outre-mer de la Guadeloupe. Depuis 2007, elle est devenue une collectivité d’outre-mer qui a récupéré une partie des prérogatives de l’État, incluant notamment l’urbanisme, le tourisme et la fiscalité. La collectivité de Saint-Martin ne dispose que d’un plan d’occupations des sols très permissif qui demeure en vigueur jusqu’à l’adoption d’un plan local d’urbanisme relevant en association avec l’État et la collectivité territoriale de Saint-Martin(1).

L’entente de reconstruction survenue récemment tiendrait compte des zones sensibles en bord de mer comprenant un plan de prévention des risques naturels. D’ailleurs, le président Daniel Gibbs déclarait récemment que « la reconstruction est autorisée mais dans les zones à risques, elle sera étudiée au cas par cas ». Ainsi, il est fort probable que de nouvelles normes voient le jour (2).

En attendant, Saint-Martin est en manque de son flot habituel de touristes, venus tant par la mer que par les airs. Également, il s’avère qu’une partie de la population a quitté l’île, faute de logis ou de travail. Les rues, jadis animées, ont perdu leur ambiance festive et conviviale. Ce sont plutôt les pétarades des motocyclettes qui se font entendre. Il faut dire que les rues ne sont pas toutes éclairées, ce qui n’incite pas aux sorties nocturnes. Nous nous promenons d’ailleurs avec une lampe de poche. Au centre-ville de Marigot, quelques restaurants ont réouvert leur porte mais peu demeurent ouverts le soir. C’est d’ailleurs avec un gros pincement au cœur que nous avons constaté les décombres de notre boulangerie-restaurant préférée, Le Divin.

Prenant des photos et observant ce qui se passe, j’ai parfois le sentiment d’être indiscrète, pour ne pas dire voyeuse. Qui suis-je pour me permettre un regard dans ces lieux qui ont vécu le pire ? Les claquements et autres bruits de destructions. Le hurlement du vent atteignant 300 km à l’heure. L’envahissement de la terre par la mer. Les trombes d’eau déversées par le ciel. La peur de ne pas voir le lendemain. L’accalmie qui suit, terrible, où on découvre l’immensité des dégâts, des blessures et des pertes, tant humaines que matérielles.

Le 6 septembre 2017, j’ai seulement vécu les affres du passage d’Irma devant mon ordinateur. 

Je ne suis certes pas une résidente, mais Paul et moi avons un attachement pour cette île et ses gens. En avril 2017, le destin a voulu que nous achevions notre parcours à Saint-Martin. C’est notre voilier qui a vécu Irma. BLÜ a été notre maison pendant six mois et nous y sommes attachés. Elle nous a fait naviguer en sécurité, du lac Champlain jusqu’ici. BLÜ a certes encaissé plusieurs ecchymoses et a vu une grande partie de ses structures en acier inoxydables – que nous pensions à toute épreuve – disloquées. Quelques équipements ont été détruits. Mais, rien de comparable à ce qu’ont subi de nombreux bateaux.

Nous sommes actuellement à Saint-Martin pour une douzaine de jours. Nous naviguerons ensuite plus au sud, laissant derrière nous cette île avec beaucoup d’émotion. Bref, nous reprendrons notre route afin de poursuivre notre projet.

Saint-Martin fait partie des îles des Caraïbes situées sur le tracé des ouragans. Aujourd’hui, elle est sûrement plus sensibilisée aux risques et donc en mesure de mieux se protéger et surtout, de s’adapter aux catastrophes naturelles, autant que faire se peut. Celles-ci semblent frapper plus durement, notamment en raison des changements climatiques.

La reconstruction se fera probablement différemment, permettant ainsi à Saint-Martin de se redévelopper à son plein potentiel de façon plus durable. C’est ce que nous lui souhaitons.

(1) Source : Le Monde, 21 novembre 2017 : http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/11/21/l-etat-et-saint-martin-signent-un-accord-pour-la-reconstruction-de-l-ile_5218294_823448.html

(2) Fax Info, le quotidien de Saint-Martin, 10 janvier 2018 : http://www.faxinfo.fr/?p=24465

Auteur : Marlène

Professionnelle en relations publiques, passionnée de voile et auteure.

2 réflexions sur “RETOUR À SAINT-MARTIN : CONTRECOUPS ET RÉSILIENCE

  1. Tu écris vraiment bien Marlène. Merci de partager ainsi avec nous.

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