Depuis Pointe-à-Pitre, en quatre heures d’une navigation sportive, au vent de travers et au grand largue (130 degrés du vent), en chevauchant des vagues qui atteignaient parfois plus de deux mètres dans les rafales et la pluie, nous sommes arrivés à Terre-de-Haut, principale île de l’archipel des Saintes. Outre Terre-de-Haut, l’archipel qui est rattaché à la Guadeloupe, comprend une autre île et plusieurs îlots: Terre-de-Bas, l’Îlet à Cabrit, Grand Îlet, La Coche, Les Augustins, La Redonde, Le Pâté et les Roches percées. Seules Terre-de-Haut et Terre-de-Bas sont habitées.
Depuis une semaine, les Caraibes sont sous l’effet d’un vaste système météo inhabituel provenant d’un anticyclone des Açores. Il provoque des vents soutenus de 25 nœuds et des rafales pouvant atteindre des pointes de 35 nœuds, voire davantage. Dans les canaux, c’est-à-dire entre les îles, ça se corse. Le vent souffle à 30 nœuds et plus. Les rafales frisent les 40 nœuds, avec des vagues de 2,80 à 3 mètres; il y a quelques jours, ce maximum était de 3,20 mètres.



Nous attendons donc que les conditions de navigation reviennent à la normale avant de poursuivre notre itinéraire. Et ceci n’arrivera pas avant quelques jours. Il n’y a toutefois pas lieu de se plaindre, car nous sommes en sécurité, bien amarrés à notre boule de mouillage depuis déjà une douzaine de jours dans l’archipel qui a tout pour plaire. Les Saintes demeurent un lieu de prédilection pour les plaisanciers. Elles demeurent authentiques malgré l’affluence touristique. En cette année covidienne, le seul changement perceptible réside peut-être en une majorité de visiteurs Français, navigateurs et « terriens » arrivés en navettes.




Les petites rues commerçantes de Terre-de-Haut sont animées, mais on ne se sent pas envahi. Le temps qui passe n’a pas beaucoup d’effet sur cette île qui vieillit en beauté. Les Saintois sont fiers de leur archipel. Qu’ils habitent dans une des maisonnettes colorées ou une plus grande propriété, ils entretiennent bien leur environnement afin de le rendre agréable et entouré de fleurs et de verdure, le climat très clément aidant. Bien que les plus jeunes migrent vers la Métropole, de nombreux Saintois demeurent enracinés à leur île; ils font partie intégrante de son terroir. Ici, année après année, ce sont presque toujours les mêmes visages que nous croisons et côtoyons dans les boutiques et les commerces. L’offre en matière de restauration est variée; qu’il s’agisse d’un restaurant de type buvette ou raffiné, la qualité est au rendez-vous. Le roulement de personnel ne semble pas exister malgré la pandémie qu’ils ont, eux aussi, traversée.



On pourrait croire que passer plus d’une semaine dans l’archipel pourrait devenir ennuyant, surtout si votre séjour n’est pas le premier. Eh bien, non. D’abord, il est bon de savourer le temps qui passe. Ensuite, ce fut une occasion de refaire le tour de Terre-de-Haut, cette fois-ci en voiturette de golf électrique. Son littoral est parsemé de criques paisibles et de petits endroits charmants, dont certains nouvellement découverts : l’Anse Mire, la Pointe Coquelet, le Morne Morel, Tête Rouge la Batterie.








Au gré d’une promenade, nous avons revisité les principales plages. La baie de Pompierre était malheureusement envahie par les sargasses. Le Fort Napoléon (100 mètres), transformé en musée, demeure un incontournable même après plusieurs visites. C’est un des très beaux sites pour admirer l’archipel de haut. Puis, en quelques minutes en dinghy, nous atteignons l’Îlet à Cabrit, à l’entrée nord-ouest de l’archipel. L’Îlet offre aussi un autre beau point de vue des ruines du Fort Joséphine (80 mètres). Là aussi, nous avons découvert une autre partie de l’île, la Batterie de la Pointe Bombarde.








Les vestiges des fortifications datant du 19e siècle évoquent un passé d’affrontements navals entre l’Angleterre et la France. Aujourd’hui, bien sûr, le calme y règne et plusieurs de ces lieux sont envahis par les chèvres, les coqs, les poules et leurs poussins. Les autorités ont fait bonne œuvre de l’ancienne citerne du Fort Joséphine qui, jadis, servait aux besoins en eau aux soldats; ce sont maintenant les chèvres qui en bénéficient.






Terre-de-Bas
En cinq saisons de navigation dans les Caraïbes, nous n’avions jamais mis les pieds sur l’île voisine. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Si Terre-de-Haut possède son charme, Terre-de-Bas, qui compte l’autre moitié de la population de l’archipel, environ 1 500 âmes, n’est pas en reste. En 15 minutes en navette, nous y sommes arrivés. L’île est très peu développée pour le touriste, bien qu’au cours des dernières années quelques gîtes ont fait leur apparition. En ce qui a trait aux plaisanciers, un seul petit mouillage est accessible, Grande Baie; toutefois, les bateaux locaux y ont élu domicile et l’espace est restreint.



À Terre-de-Bas, on ne trouve aucune rue commerciale. Le seul endroit un peu animé est celui du port, pendant une quinzaine de minutes, lors du débarquement et de l’embarquement des visiteurs. Les meilleurs souvenirs ne seront donc pas dans les valises; ils resteront en mémoire ou capturés en photos. Afin de maximiser notre temps, nous avons loué une mini voiture style rétro, Flowerpower de son nom, propulsée à batterie. Silence assuré, mais beaucoup moins pratique et confortable que la voiturette de golf. Bref, si c’était à refaire, ce serait en scooter.



Nous avons parcouru la moitié sud de l’île, carrément rustique, voire sauvage. Le calme y régnait, le touriste y étant plutôt discret. Notre itinéraire nous a conduit à des points de vue à couper le souffle. En prime, la majorité du trajet, hors des petits villages, s’effectue par une route qui serpente la côte. Nos yeux restent ainsi accrochés à l’immensité de la mer et aux contours des îles et îlots qui forment l’archipel.


Nous nous sommes arrêtés à plusieurs endroits : à Grande Anse, au Pied de l’Étang, à Grande Baie et à la marre du Grand Troue. Vers l’heure du midi, au gré de la route, nous avons abouti sur une sympathique buvette perchée en haut de Petite Anse et sa plage de pêcheurs. Nous y avons passé un beau moment à discuter avec la propriétaire et sa famille. Ensuite, nous avons exploré les lieux en suivant une route sinueuse qui descendait. Au bout de cette route, un coup de cœur nous attendait : l’Anse à Dos. Une toute petite baie habitée par un propriétaire unique. Un catamaran y était ancré. Quiétude assurée. Un quai de pêcheurs a été aménagé à proximité de la petite plage; on y trouve aussi un abri entouré de palmiers, idéal pour la sieste. Au loin, on aperçoit la côte ouest de la Guadeloupe. Cet endroit est tout simplement magnifique.

Même si le temps semblait s’être arrêté dans ce lieu magique, nous devions poursuivre notre visite. Nous avons repris la belle route du sud longeant la mer. Le dernier arrêt nous a permis de visiter les ruines de la poterie Fidelin, de l’autre côté de Grande Baie. Cette ancienne poterie date des années 1700. Elle produisait des formes à sucre et des pots à mélasse. Bien que le site soit classé monument historique depuis 1997, il est laissé à l’abandon. Le bâtiment principal est en décrépitude tout comme le reste du site industriel et la végétation s’y est imposée. Quel dommage !


De retour au port, nous avons regagné Terre-de-Haut en traversier. Seulement quinze minutes et environ deux miles nautiques (4 km) séparent les deux îles. Bien qu’elles soient très différentes, l’une moins courtisée que l’autre, elles sont naturellement belles. Elles possèdent chacune leur propre caractère et ont beaucoup à offrir.